Thomas Boni Yayi n’est pas le seul ex-chef d’Etat, membre actif d’une formation politique à hériter d’une mission de médiateur. Avant lui, la Cedeao avait confié à l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan (membre du Parti démocratique populaire – Pdp) de mener la médiation au Mali, autre pays en transition. On peut et à raison citer le cas de l’ancien dirigeant du Niger, Mahamadou Issoufou, (président du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme-PNDS-Tarayya) chargé lui, toujours par la Cédéao, de jouer les médiateurs au Burkina Faso. Que dire donc de l’inusable nigérian, Obasanjo Olusegun (membre de People’s Democratic Party-PDP) qui a mené plusieurs missions et continue encore de le faire dans le cadre de diverses médiations, partout en Afrique. Tous ces anciens chefs d’Etats sont des hommes politiques, responsables et ou membres actifs au sein de leur parti. Ce n’est donc pas l’engagement d’un certain Boni Yayi auprès de la formation politique dont il est le président d’honneur qui en fera un mauvais ou un bon médiateur dans sa mission en Guinée.
Même si cela tend à devenir une tradition, le choix porté sur les anciens présidents de la République pour conduire des missions de médiations sur le théâtre des crises politiques en Afrique de l’Ouest relève beaucoup plus de leur statut d’anciens gestionnaires à la tête des Etats avec la somme d’expériences qui va avec. Le rôle d’un médiateur consiste essentiellement à trouver une position qui rapproche les parties en litige. Ceci passe surtout par la capacité des protagonistes à y mettre des leurs. Comme le dira le politologue Kabinet Fofana, « Il n’y a pas de très bon médiateur, s’il n’y a pas une volonté des parties à trouver une solution médiane« .
Que l’ancien Président Boni Yayi descende activement dans l’arène politique et s’engagé auprès de ses ouailles lors des législatives de janvier 2023 n’a logiquement rien de répréhensible et ne saurait constituer un handicap à sa mission pas plus à sa stature encore moins à son statut d’homme politique et d’ancien chef d’Etat. Cette levée de bouclier venant d’une certaine opinion qui tente vaille que vaille à denier à l’ancien chef d’Etat, et Président d’Honneur du parti politique « Les Démocrates », le droit d’animer la vie politique dans son pays. En revanche, cette frange de Béninois applaudit à se rompre les phalanges lorsque ce même Boni Yayi a ordonné la radiation de sa plainte pour séquestration de 52 jours contre l’Etat béninois devant la Cour de justice de la Cedeao, à six mois des mêmes élections législatives de janvier 2023.
Composer ou ne pas composer avec Yayi
En quoi le retrait de la plainte de Thomas Boni Yayi est perçu par ceux-là comme un signe de décrispation du climat politique alors que sa présence sur le terrain politique devient un crime, au point de remettre en cause son statut de médiateur en Guinée ?
Peut-on se réjouir des actes de décrispation dans la perspective entre autres d’élections inclusives et s’insurger ensuite contre l’un des acteurs de cette démarche tantôt applaudie ? De deux choses l’une, ou Boni Yayi est la solution, auquel cas on fait avec ou alors il devient le problème et on repart à la case départ.
Boni Yayi, un médiateur à la hauteur ?
Quoique qu’on dise, Yayi a au compteur près de 6 missions dans le cadre de la CEDEAO. Son implication dans la résolution de la crise en Guinée a permis de réduire la durée de la transition avec l’accord des Guinéens, de 36 mois à 24 mois.
Au cours de ses sorties tant redoutées, Boni Yayi n’a véhiculé aucun méssage de haine. Bien au contraire, le président d’honneur de « Les Démocrates » a appelé au calme, à la paix, à la stabilité, à la sécurité, à la démocratie, au respect des droits de l’humain et des libertés fondamentales. L’homme a surtout invoqué le respect de l’unité nationale, la lutte contre la corruption l’égalité des chances, l’accès équitable au service public et l’équilibre des pouvoirs, des institutions fortes indépendantes et non-sous-ordre.
Porteur de messages de paix.
Lors de son passage dans la 8e circonscription électorale le 4 janvier 2023, l’ancien chef de l’Etat a exhorté ses compatriotes à la paix et à la non-violence. Les mots «amour» et «non-violence» sont revenus avec insistance. «Je suis porteur d’un message de paix. Je vous souhaite l’amour de Dieu d’abord, puis entre nous par la suite. Évitez de répondre au mal par le mal. C’est ce que je veux vous porter comme message. Si quelqu’un vous injurie, bénissez-le», a déclaré Boni Yayi aux militants du parti Les Démocrates venus l’accueillir. L’ancien président de la République qui dit n’être «candidat à rien», il a surtout prôné des attitudes civiques. «Pas de bagarre. Vous êtes des citoyens. Soyez calmes. Ne brûlez aucune maison, ne détruisons aucun édifice. Préservons notre patrimoine. Pas de violence», a-t-il insisté.
A quoi rime donc cette cabale contre l’ancien président si ce n’est la triste expression d’un manque criard de culture de tolérance et du sens de la contradiction. Que Boni Yayi soit contraint de démissionner de sa mission de médiation en Guinée ne peut que d’avantage le rapprocher des siens en général et plus particulièrement des membres de sa formation politique qui se plaignaient déjà de ses absences de plus en plus fréquentes.
Yayi reste une énigme.