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Affaire Steve Amoussou : Une nouvelle page sombre pour les droits humains au Bénin

Le kidnapping de Steve Amoussou orchestré par les autorités béninoises à Lomé, soulève des inquiétudes quant au respect des droits humains et des libertés fondamentales. Les centrales syndicales fustigent un acte contraire aux principes démocratiques, et dénoncent un climat de répression grandissant. Elles appellent à la mobilisation pour la défense des droits et libertés fondamentales.

Pour les syndicats béninois, l’affaire Steve Amoussou ne se limite pas à un simple incident isolé, mais révèle des pratiques qui s’inscrivent dans une logique plus vaste de répression et d’intimidation systématique. Ces pratiques, dénoncent-ils, sont caractéristiques d’un régime qui semble de plus en plus en perte de légitimité démocratique, cherchant à asseoir son pouvoir par la peur et la coercition. Selon eux, l’enlèvement de l’opposant à Lomé, suivi de son transfert clandestin au Bénin sans respect des procédures légales internationales et des principes de coopération judiciaire, constitue une violation flagrante des droits humains et des libertés fondamentales, remettant en cause l’engagement du pays en faveur de l’État de droit.

Les syndicats applaudissent la position courageuse de l’Ordre des avocats du Bénin qui a rapidement dénoncé cette atteinte grave aux droits civiques et ont exprimé leur profonde déception face au silence assourdissant de l’organisation des magistrats. À leurs yeux, cette absence de prise de position équivaut à une abdication de leur rôle essentiel de gardiens de la justice. Ils estiment que l’organisation des magistrats, par sa passivité, semble cautionner tacitement une dérive autoritaire qui met en péril l’équité et l’indépendance de la justice au Bénin.

Par cette déclaration, les centrales syndicales lancent un appel pressant à une prise de conscience collective face à ce qu’elles qualifient de retour insidieux à l’autoritarisme. Elles exhortent les autorités à engager des réformes judiciaires profondes pour restaurer l’État de droit et rétablir la confiance des citoyens dans leurs institutions. Ces réformes devraient notamment garantir l’indépendance des magistrats, renforcer les mécanismes de protection des droits de la défense, et assurer le respect strict des procédures légales, en toutes circonstances.

En exigeant la libération immédiate de Steve Amoussou, les syndicats font valoir que son arrestation est entachée d’illégalité et d’irrégularités multiples qui ne peuvent être ignorées. Ils mettent également en garde contre les risques de banalisation de telles pratiques, qui pourraient devenir la norme si elles ne sont pas dénoncées et combattues vigoureusement. Se réservant le droit d’entreprendre des actions collectives, y compris des grèves ou des manifestations, ils réaffirment leur engagement à défendre sans relâche les acquis démocratiques durement obtenus, ainsi que les droits et libertés fondamentaux de chaque citoyen béninois.

Cette prise de position exprime non seulement la profondeur des préoccupations des syndicats face à l’avenir démocratique du Bénin, mais aussi leur détermination inébranlable à agir comme une force de résistance contre toute tentative d’autoritarisme. Ils rappellent, par ailleurs, que la démocratie est un bien commun, construit au prix de nombreuses luttes et sacrifices, et qu’il est de la responsabilité de chaque citoyen de se tenir en alerte face à toute atteinte à ces valeurs fondamentales.

Les centrales syndicales appellent donc à une mobilisation générale pour la défense des libertés individuelles et des droits fondamentaux. Elles rappellent que chaque citoyen béninois a droit à un procès équitable, dans le strict respect des principes juridiques et des normes internationales. En dénonçant cette affaire comme un symptôme d’une justice en déclin, elles alertent sur le besoin urgent d’une réforme structurelle profonde pour restaurer la confiance du peuple dans son système judiciaire, et prévenir tout retour vers des pratiques autoritaires.

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DÉCLARATION AU SUJET DU KIDNAPPING DU SIEUR STEVE AMOUSSOU

Comme une trainée de poudre, la nouvelle de l’enlèvement rocambolesque à Lomé (Togo) du sieur Steve AMOUSSOU s’est répandue sur l’ensemble du territoire national. Annoncée tôt ce mercredi 14 août 2024 sous forme d’une rumeur, d’un fake new sur les réseaux sociaux, la nouvelle sera confirmée quelques heures plus tard par l’un de ses avocats.

Les détails de son enlèvement tels que l’intéressé lui-même le lui aurait exposé indiquent que Monsieur Steve AMOUSSOU, résidant à Lomé au Togo, a été appréhendé nuitamment, puis contraint de monter à bord d’un véhicule par des individus masqués qui n’ont pas décliné leur identité. Conduit en territoire du Bénin, Monsieur Steve AMOUSSOU a été remis entre les mains de la police. Cette implication de la police dite républicaine du Bénin a été confirmée par la notification de la garde à vue de l’intéressé et légitimée par sa présentation au Procureur Spécial près la CRIET qui a ordonné son dépôt en prison.

Les centrales et confédérations syndicales signataires de la présente déclaration ont gardé le silence depuis lors face à cette actualité, non pas parce qu’elles ne se sentaient pas concernées, mais parce que les faits sont si invraisemblables qu’il fallait avoir des versions officielles pour s’en convaincre et se faire une opinion.

Cette lumière proviendra de la réaction de la justice togolaise qui, au travers d’un communiqué de presse rendu public sur la télévision étatique, a fini par confirmer les incongruités d’un fait inédit pourtant assumé par les autorités béninoises de par leur silence officiel assourdissant.

Cette version officielle togolaise permet aux confédérations et centrales syndicales des travailleurs du Bénin éprises de paix et de justice sociale, attachées aux acquis démocratiques et aux principes universels des droits de l’homme et des libertés individuelles de se prononcer sur cette énième situation de non-respect des règles de procédures.

Sur la forme de l’ interpellation :

Les modalités de poursuite et de répression des infractions sont connues en République du Bénin. Toute procédure engagée contre un citoyen doit rester conforme aux textes en vigueur. Nul n’est censé ignorer la loi dit-on en s’adressant aux citoyens. Cela doit rester valable surtout pour un gouvernement qui doit garantir l’application des lois et qui en aucun cas ne doit se considérer au-dessus desdites lois.

Que prévoit donc la procédure pénale en République du Bénin en matière d’arrestation de personne en conflit avec la loi résident hors du territoire national ?

Pour une personne soupçonnée d’être en conflit avec la loi et résident hors du territoire national, comme dans le cas de Monsieur Steve AMOUSSOU qui résidait au Togo voisin, il est requis qu’une procédure soit engagée contre lui
par le pays qui le recherche décerne à son encontre un mandat d’arrêt qui pourra
être exécuté par le mécanisme de la coopération judiciaire internationale avec tout ce qu’elle comporte comme garantie pour le respect des droits fondamentaux de l’intéressé. Dans le cas d’espèce, les autorités judiciaires béninoises devraient officiellement solliciter les autorités judiciaires du pays de résidence, en l’occurrence le Togo, à l’effet d’interpeller puis d’organiser l’extradition de monsieur Steve AMOUSSOU au Bénin.

Les circonstances de l’enlèvement de monsieur Steve AMOUSSOU et le silence coupable du gouvernement béninois de même que celui des autorités judiciaires béninoises compétentes nous permettent d’affirmer que ces règles régissant la poursuite, en la circonstance, n’ont pas été respectées. Les centrales et confédérations syndicales du Bénin y voient une pratique rétrograde qui viole en tout point de vue les normes nationales et internationales en matière de droits fondamentaux de personnes en conflit avec la loi. Elles y voient également la volonté manifeste du Gouvernement d’instaurer un climat de peur, de paranoïa et d’insécurité. Après plus de 30 ans de pratiques démocratiques affirmées, notre peuple a droit à la quiétude et au respect des principes élémentaires de procès équitable. Les citoyens béninois ont droit à la garantie de la protection des personnes, des biens et capitaux à la fois sur toute l’étendue du territoire national et à l’extérieur du Bénin.

Sur le jugement attendu de Monsieur Steve AMOUSSOU

La Constitution de la République du Bénin est très stricte sur le caractère sacré de la personne humaine et sur son inviolabilité, tout comme la prohibition de la torture, des sévices, des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Jusqu’à preuve du contraire, Monsieur Steve AMOUSSOU bénéficie de la présomption d’innocence. Il doit bénéficier à cet effet d’un traitement équitable, dans le strict respect de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et de la constitution du Bénin.

C’est pourquoi les centrales et confédérations syndicales du Bénin s’interrogent sur ce que vaut un procès dont la fondation est faite de violation flagrante et grave des droits élémentaires de la personne mise en cause ?
Tout en saluant la position prise par l’ordre des avocats du Bénin dans cette affaire, les centrales et confédérations syndicales voudraient relever que le silence de l’organisation corporatiste des magistrats béninois n’est pas de nature à rassurer les concitoyens sur la confiance qu’ils devraient continuer à avoir en leur justice.

Le traitement qu’a subi Monsieur Steve AMOUSSOU par ses ravisseurs et qui vient s’ajouter à la longue liste des actes de violence policière, de violation des règles et des pratiques démocratiques dont le gouvernement et la police sont devenus coutumiers en République du Bénin, est indigne d’un Etat démocratique, inquiète les organisations syndicales et doit interpeller toute organisation éprise de paix et de justice.

C’est pourquoi les confédérations et centrales syndicales signataires de cette déclaration,

• dénoncent formellement la violation du droit des citoyens à l’information juste et officielle portant sur un fait ayant entrainé l’implication active ou passive d’un Etat voisin. Elles fustigent également ce silence coupable du gouvernement sur cette affaire et qui s’analyse comme un mépris vis-à-vis du peuple ;

• s’inquiètent et dénoncent avec vigueur la forme et la méthode utilisées dans le cadre de l’interpellation de Monsieur Steve AMOUSSOU ;

• attirent l’attention de l’opinion publique nationale et internationale sur la multiplication des faits attentatoires aux acquis démocratiques du Bénin par le gouvernement et ses services. Ces faits de violation croissante des libertés et des droits individuels sont caractérisés entre autres par des agissements et des décisions aux antipodes des textes législatifs dans un pays démocratique et paisible comme le nôtre ;

• appellent à une gouvernance responsable et respectueuse de l’humain pour le bien de chaque Béninois et de chaque Béninoise ;  exigent la libération de Monsieur Steve AMOUSSOU au regard des conditions de son arrestation.

Après des décennies de luttes et de vie démocratiques avérées, de respect des libertés et droits individuels et de bon vivre ensemble grâce aux institutions républicaines dont nos forces de défense et de sécurité publique, il est inadmissible qu’un régime saccage notre héritage et couvre de ridicule toute la nation.
Notre peuple a payé le prix fort pour jouir en paix de ses libertés.

En tout état de cause, les centrales et confédérations se réservent le droit de déclencher en temps opportuns des actions pour arrêter tous les dénis de droit au Bénin.

Vive les Centrales et Confédérations syndicales !
Vive le Bénin !


Cotonou, le 29 Août 2024

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