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La République en mutation: Les inquiétudes du Général Houndégnon sur la démocratie au Bénin

Le Général Louis-Philippe Houndégnon appelle à la vigilance face aux dérives institutionnelles qui se multiplient au Bénin. À travers un communiqué signé par son directeur de cabinet, il dénonce des pratiques menaçant les principes fondamentaux de la Constitution de 1990. Un retour en arrière dans un pays autrefois modèle de démocratie.

Le Bénin, de la démocratie à la dérive institutionnelle ?

Le Bénin, souvent considéré comme un exemple de stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest, fait face à des critiques grandissantes sur la gestion de ses institutions et la séparation des pouvoirs. Ce pays, qui avait consolidé sa démocratie en 1990 après la Conférence des forces vives, semble aujourd’hui glisser vers des pratiques autoritaires inquiétantes. Le récent communiqué de presse du cabinet du Général Sessi Louis-Philippe Houndégnon, daté du 23 septembre 2024, sonne comme un cri d’alarme face à la déviation des institutions béninoises de leurs fonctions constitutionnelles.

Le texte, signé par le Dr Bio Dogo Worou, directeur de cabinet du Général Houndégnon, met en lumière une série de dérives institutionnelles depuis l’avènement du régime en place en 2016. Il s’inquiète notamment de l’amalgame des rôles au sein des différentes instances du pays, en particulier la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), et appelle à un retour aux principes fondateurs de la Constitution de 1990.

Général Sessi Louis-Philippe Houndégnon,

1. La Conférence nationale de 1990 : une boussole démocratique en péril

Pour comprendre les critiques formulées par le cabinet de Louis-Philippe Houndégnon, il est essentiel de revenir à la Conférence nationale des forces vives de 1990, un événement historique qui a marqué le tournant démocratique du Bénin. À cette époque, le pays sortait d’un régime autoritaire pour embrasser les principes fondamentaux de la démocratie, incluant la liberté d’expression, la séparation des pouvoirs et la mise en place d’un État de droit. La Constitution de 1990, élaborée suite à cette conférence, est devenue un modèle pour toute la région.

Ce socle démocratique était fondé sur la séparation stricte des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif, le judiciaire, les médias et la société civile, chaque pouvoir évoluant dans son domaine sans interférer avec les autres. Le communauté de presse du Général Houndégnon déplore que, depuis 2016, cette séparation semble être bafouée. Il souligne : « les lignes d’action étaient respectées dans un souci partagé de renforcement de la démocratie chèrement acquise », mais cette époque semble révolue.

2. La HAAC : de régulateur à tribunal ?

Le cœur des inquiétudes exprimées dans ce communiqué réside dans le rôle de la HAAC, un organisme initialement chargé de la régulation des médias. Depuis 2016, cet organisme aurait, selon les critiques, dépassé ses prérogatives, au point de devenir une « juridiction d’inquisition ». Le texte s’interroge : « comment comprendre que la HAAC, dont les prérogatives demeurent la régulation du secteur des médias, s’érige en une institution de constat de propos dits diffamatoires envers un citoyen ? ».

En d’autres termes, la HAAC, qui devrait se limiter à la régulation des médias, serait aujourd’hui impliquée dans des affaires relevant du judiciaire, notamment en ce qui concerne des accusations de diffamation. Cette dérive pose un problème fondamental de confusion des rôles entre les instances constitutionnelles, une situation qui, selon le cabinet du Général Houndégnon, « frise l’intimidation et la manipulation ». Il rappelle que « toute contestation ne serait crédible que dans un débat contradictoire », et non dans des raccourcis institutionnels menaçant les libertés fondamentales.

3. Le légicentrisme : une centralisation dangereuse du pouvoir

Depuis l’arrivée au pouvoir du Président Patrice Talon en 2016, le Bénin semble avoir pris un tournant que certains qualifient de « légicentrisme ». Ce terme fait référence à une forme de centralisation du pouvoir autour de l’exécutif, au détriment des autres branches du gouvernement. Le communiqué du cabinet du Général Houndégnon fustige cette approche, qu’il perçoit comme contraire à l’esprit de la Constitution de 1990. « Des dérives prennent corps avec des amalgames incompatibles avec la logique d’un état de droit », souligne-t-il.

Cette centralisation du pouvoir aurait conduit à une fragilisation des institutions indépendantes, comme la justice et les médias, et à un affaiblissement du débat démocratique. Louis-Philippe Houndégnon s’insurge contre cette situation, appelant à un retour aux principes démocratiques qui avaient fait du Bénin un modèle en Afrique de l’Ouest.

4. L’état de droit en recul : vers une République à deux vitesses ?

Le communiqué dénonce également un recul flagrant de l’État de droit au Bénin, un concept pourtant central dans une démocratie moderne. Il rappelle que, dans une République digne de ce nom, chacun doit respecter les prérogatives des institutions et agir dans les limites de la loi. Si un citoyen, quel qu’il soit, s’estime victime de diffamation, le communiqué précise que « la procédure en la matière est connue de tous ». La justice doit alors suivre son cours, sans que les institutions s’octroient des pouvoirs qui ne leur reviennent pas.

La République béninoise, autrefois respectée sur la scène internationale pour son modèle démocratique, semble aujourd’hui s’éloigner de ses principes fondateurs. Le cabinet du Général Houndégnon appelle à une vigilance accrue afin de « conserver à notre pays son image d’état de droit jadis respectée de par le monde ». Cette phrase témoigne de l’urgence de la situation, dans un pays qui risque de perdre l’essence même de sa démocratie.

5. La responsabilité citoyenne : un appel à l’action

Au-delà de la critique des institutions, le communiqué du cabinet du Général Houndégnon invite les citoyens béninois à une prise de conscience collective. En dénonçant les dérives institutionnelles, il appelle chaque citoyen à défendre activement la Constitution de 1990, un texte qui garantit les libertés fondamentales et l’équilibre des pouvoirs. Le communiqué insiste sur le fait que « les amalgames et confusions de rôles ne sauraient devenir un mode opératoire », et que chacun doit jouer son rôle pour préserver la démocratie.

Cet appel s’adresse également aux acteurs de la société civile et aux médias, qui doivent jouer leur rôle de contre-pouvoir face aux dérives autoritaires. Le communiqué souligne l’importance de maintenir un débat d’idées contradictoire, une pierre angulaire de toute démocratie fonctionnelle.

6. Un retour nécessaire aux fondamentaux de 1990

Le communiqué du Général Louis-Philippe Houndégnon se positionne comme un avertissement clair face à la dérive des institutions béninoises. Il appelle à un retour aux principes fondateurs de la Conférence nationale de 1990, qui avait marqué un tournant décisif dans l’histoire du pays. Alors que le Bénin semble s’éloigner de ses valeurs démocratiques, il est essentiel de rappeler que l’État de droit et la séparation des pouvoirs ne sont pas des concepts abstraits, mais des piliers indispensables à la survie de la démocratie.

Le cabinet du Général Houndégnon met en garde contre un système qui, sous couvert de légicentrisme, risquerait de sombrer dans l’autoritarisme. Face à cette situation, l’heure est à la vigilance citoyenne et à la défense intransigeante des valeurs démocratiques qui ont fait la force du Bénin depuis plus de trois décennies.

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