Interrogé à chaud sur cette alerte de tentative d’arrestation qui viserait sa personne, le Général Louis Philippe Houndégnon s’est volontiers prêté à nos questions. L’intéressé est allé même jusqu’à nous révéler le nom de code de l’opération dénommée «Assaut PH-44» qui devrait aboutir à l’arrestation du patron des flics à la retraite, véritable poil à gratter de Patrice Talon. «Si Patrice Talon se sent capable de m’arrêter et de pouvoir ouvrir le débat juridique par rapport à mes propos, devant même ses tribunaux qui sont à ses services, que je suis prêt»
Le général Houndégnon répond aux tentatives d’arrestation : « Je suis prêt à défendre mes opinions devant n’importe quel tribunal »
NDLR/Accusé de déstabilisation par le gouvernement de Patrice Talon, le général à la retraite Louis Philippe Houndégnon, ancien directeur de la police nationale, reste ferme face aux menaces d’arrestation. Dans un entretien exclusif avec Afric’Info, il évoque les pressions, la situation de l’État de droit au Bénin et ses raisons pour engager une lutte juridique et politique pour la démocratie.
Un « Assaut PH-44 » pour museler l’opposition ?
Le mardi 12 novembre 2024, une rumeur circule au Bénin : une opération nommée « Assaut PH-44 » viserait l’arrestation du général Louis Philippe Houndégnon, devenu un critique virulent du président Patrice Talon. Connu pour ses déclarations acerbes, Houndégnon réagit avec détermination en déclarant qu’il est prêt à se défendre, même devant des tribunaux contrôlés par le pouvoir. Cette arrestation potentielle est, pour lui, la preuve du manque de tolérance du régime envers toute opposition.
Le général affirme que ses propos sur la révision constitutionnelle de 2019, jugée illégitime par la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), sont au cœur de la colère présidentielle. Selon lui, cette révision n’a pas de légitimité juridique : « La CADHP a suspendu cette révision, et en 2020, elle a réaffirmé que cette révision n’est pas advenue. » Il déplore que Talon, autrefois défenseur de l’État de droit, ait ignoré cette décision, le qualifiant de « démocrate de façade ».
Le procès d’opinion : entre liberté d’expression et répression politique
Depuis sa retraite, Houndégnon ne cesse de dénoncer ce qu’il considère comme des dérives autoritaires. Bien que conscient des risques qu’il encourt, il se montre inflexible : « On ne s’engage pas dans une lutte pour fuir, » dit-il. Pour lui, les tentatives de répression sont une preuve des contradictions internes du régime, qui se détourne de la Constitution de 1990, fondement de la démocratie béninoise.
Le général explique que son combat va bien au-delà des questions de révision constitutionnelle ou de code électoral. Il s’inscrit dans une lutte pour le respect des droits fondamentaux, y compris le droit du peuple béninois à s’autodéterminer. « Patrice Talon empêche le peuple de vivre dans le cadre juridique défini en 1990, en imposant des changements sans consensus », martèle Houndégnon. En s’appuyant sur la CADHP et la Constitution béninoise, il dénonce la légitimité même du régime actuel, rappelant que le consensus est un élément clé du contrat social qui régit le Bénin.
Un appel au Bénin pour la démocratie et la dignité
Lors de cet entretien, Houndégnon appelle les citoyens à ne pas céder face à la répression. Pour lui, le Bénin est à la croisée des chemins, et il appartient au peuple de préserver la démocratie chèrement acquise lors de la Conférence nationale de 1990. Il évoque la nécessaire vigilance face aux tentatives d’intimidation et invite les Béninois à réfléchir aux actions à mener pour restaurer un véritable État de droit.
Le général conclut par un message emprunté à Moïse et au général Mathieu Kérékou : « La patrie ou la mort, nous vaincrons ». Ce message, profondément ancré dans le contexte politique béninois, est une réponse symbolique aux menaces qui pèsent sur lui. Houndégnon se positionne ainsi comme un défenseur du Bénin, prêt à affronter le régime pour que le pays puisse retrouver ses fondations démocratiques et préserver l’esprit de liberté, de justice et de transparence.
L’INTERVIEW EXCLUSIVE DU GENERAL
LA DEPECHE AFRIC’INFO : Nous l’avion appris ce mardi après-midi. L’information a circulé, a fait grand bruit sur les réseaux sociaux, et quelques instants après, un communiqué émanant de votre cabinet nous est parvenu à la rédaction, et c’est le cas de beaucoup d’autres rédactions. On voudrait bien savoir, ce qui s’est réellement passé ?
Général L-P Sessi-Houndégnon: Bonjour. Merci monsieur le journaliste. D’abord, je voudrais rassurer tout le peuple Béninois, tous les enfants, adultes, vieillards, paysans, agriculteurs tous les journalistes, toutes les forces vives. Je voudrais rassurer tout le monde que je suis en liberté et ce, jusqu’à la fin de la lutte. Je me suis engagé dans la lutte, comme vous le savez.
Qu’est-ce qui s’est passé? Je n’ai pas eu les derniers détails. Il a été question. Mes services m’ont relayé cela, oui, Il a été question d’une opération nommée «Assaut PH-44» qui devrait permettre à Patrice Talon et à ses sbires de la Direction Générale de la Police et quelques éléments de l’armée de procéder à mon arrestation ce soir. (12 novembre 2024- Ndlr).
Ayant reçu l’information, mes services, dans leur avis, m’ont un peu déçu en me demandant de prendre la clé des champs. J’ai dit non, on ne s’engage pas dans une lutte pour prendre le large. Je sais, moi, si Patrice Talon se sent capable de m’arrêter et de pouvoir ouvrir le débat juridique par rapport à mes propos, devant même ses tribunaux qui sont à ses services, que je suis prêt. Parce que moi, j’ai deux garanties essentielles. Monsieur Perzo, j’ai une première garantie : C’est la décision avant dire droit, que j’ai fait passer sur l’émission que vous avez co-animée, la dernière fois avec Monsieur Vital Panou et Monsieur Virgile Ahouansè. Oui il ya une décision avant-dire droit de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) qui dit la révision constitutionnelle de 2019 est suspendue et Patrice Talon s’est entêté et en décembre 2020, la Cour a été ferme pour dire que cette révision constitutionnelle pas advenue. Conséquence, pour tout démocrate ou juriste il n’est plus question pour moi d’aller courir derrière la révision d’un code électoral. Qu’on dit crisogène par ci par là. Dans la foulée dans une verve je m’étais un peu emballé et j’ai pu dire que le code n’était pas crisogène. Au fait, j’avais emballé ma réponse dans cette phrase-là. Le code est vraiment crisogène. Ça, on laisse de côté. Mais ce code n’a pas d’existence juridique. Il va falloir que Patrice Talon puisse respecter les décisions de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) puisque lui-même, avant de venir au pouvoir, disait qu’un État qui ne respecte pas les décisions de justice est un État voyou. Et qu’il va falloir que nous travaillions et à éviter que le chef de l’État, l’exécutif, devienne ce machin superpuissant qui a droit de vie et de mort sur tout. Et donc, c’est Patrice Talon même qui nous a exhortés à mener cette lutte-là, pour rester au service de la démocratie. Et si aujourd’hui, il s’emballe par rapport à mes propos, c’est qu’il n’est pas apparemment démocrate. Et là, c’est suffisamment grave pour lui.
Mon général, puisque depuis, vous êtes focus sur vos déclarations, c’est vrai, ces derniers temps, vous avez eu à faire des sorties assez osées, mais qu’est-ce qui nous dit, ou qu’est-ce qui vous fait dire que ce n’est que vos propos, vos sorties, vos déclarations qui peuvent être à l’origine de ce courroux du régime à votre égard.
L-P Sessi-Houndégnon: Le courroux du régime, Monsieur Perzo, je connais ce genre de courroux parce que tel que le dit la littérature de Jean-Paul Sartre, vous savez que le bourgeois œuvre à la négation des droits de l’homme. Patrice Talon a œuvré à la négation des droits de l’homme me concernant il a déjà œuvré à la négation des droits du peuple à s’autodéterminer parce que le droit d’autodétermination monsieur n’est pas un droit perdu c’est un droit face aux enjeux impérialistes mais c’est un droit également face aux enjeux internes. C’est-à-dire que Patrice Talon nous empêche de rester dans l’idée de droit qui a fondé notre vivre ensemble en 1990, qui est la constitution du 11 décembre 1990. Et là, un démocrate de ma trempe ne peut jamais accepter cela. Il va falloir que Patrice Talon, qu’il veuille ou pas, qu’il puisse nous restituer notre constitution. Notre lutte est là.
Moi, je ne vais pas m’engager aux côté de ceux qui parlent du code électoral, ils font une action louable. Mais l’action juridique, l’action à laquelle j’invite tous les Béninois, c’est que notre Constitution n’a pas pu être révisée à partir des deux décisions du tribunal Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples d’Arusha en Tanzanie.
Il va falloir que les gens puissent comprendre que notre lutte est ailleurs je ne voudrais pas que les béninois continuent d’aller jouer sur le terrain de quelqu’un qui ne s’y connait même pas en droit. Ce n’est pas Patrice Talon qui va nous faire les leçons de droit au Bénin, si non il n’a qu’à nous montrer ses qualifications en droit, s’il vous plait. Et ça, ce n’est pas des injures. Moi, je ne peux pas dire maintenant que je suis journaliste ni ingénieur des Tp.
Mon général, puisque vous vous y tenez, doit-on retenir du procès que le pouvoir en place pourrait avoir à vous faire n’est qu’un procès d’opinion, ou un procès de position politique ? Et vous ne vous reprochez rien d’autre ?
L-P Sessi-Houndégnon: Ils n’auront rien à me reprocher. Ils ne pourront même pas me faire de procès d’opinion. Non, il n’y a aucun procès de position politique. Je suis un juriste. Et ça, je vais vous dire quelque chose, ce n’est pas de l’orgueil. J’ai fait le deuxième cycle en droit, deux fois. Et ce que je veux vous dire est très simple.
Il y a deux décisions. Une décision avant dire droit qui suspend la révision constitutionnelle de 2019. Il y a une autre décision qui vient confirmer cette suspension pour dire que la révision constitutionnelle n’est pas advenue. La loi d’amnistie n’est pas advenue. J’invite tous les juristes du à quand même faire attention à ces deux décisions pour que nous puissions savoir que Patrice Talon son régime sont dans l’illégitimité et dans l’inconstitutionnalité, puisque, quand vous lisez l’article 34 de notre Constitution, cet article oblige Patrice Talon, et tout gouvernant, tous les Béninois, à respecter la constitution de 1990, et l’ordre constitutionnel établi. L’ordre constitutionnel établi. Ça veut dire qu’il ne faut pas changer le cours des institutions sans un grand consensus. Et il y a une décision qui est intervenue dessus. Et la Cour africaine des droits de l’homme de d’Arusha en Tanzanie est revenue sur le principe du consensus. Nous avons un consensus sur toute la Constitution aujourd’hui où tout le monde est ébranlé, où même dans sa propre famille il y a bagarre. Nooon…
La révision Constitutionnelle de Patrice Talon, pour emprunter ses propres mots, quand il a attenté à la vie du Chef de l’Etat Boni Yayi, sa révision constitutionnelle est «un canular».
Vous y allez très fort mon général.
C’est lui qui a dit canular non ?
Mon général pour restituer une certaine opinion au sein de la population, je suis tenté de vous demander : mais pourquoi avoir attendu tout ce temps et que ce n’est que maintenant qu’on vous voit au devant de la scène ?
Parce que depuis mon enfance, j’ai toujours été un chef traditionnel. Et un chef traditionnel écoute pour le monde. Je vous ai expliqué déjà. J’ai expliqué déjà à la nation que j’étais sous le drapeau. Une fois sous le drapeau, je ne pouvais pas parler. Maintenant que ma liberté m’a été donnée, pourquoi voulez-vous que je m’en prive ? Je ne peux pas m’en priver. Il n’y a pas de concession à faire sur cette question-là. Il n’y a pas de concession pour la démocratie, il n’y a pas démocratie pour les non démocrates, Il n’y a pas de liberté pour les non-libertés, Il n’y a pas de pardon pour ceux qui ne savent pas pardonner, Il n’y a pas de courtoisie pour les discourtois, il n’y a pas de gentillesse pour les vandales du droit.
Est-ce alors du «œil pour œil, dent pour dent» ?
Je vous rappelle que je suis bouddhiste et la difficulté que moi j’ai face aux gens car, tout acte que vous posez a une qualification justifiée. Tout acte que vous accomplissez a une qualification juridique. Quand vous prenez les épreuves du droit, il faut faire un récit en droit, il faut un récit dans un langage ordinaire. Et c’est à vous de faire la qualification juridique, de trouver la solution. Et vous avez vu la dernière sortie du professeur Holo? Il oblige le procureur de la Criet avec la décision du coup d’Etat, à requalifier les faits. Je vous ai dit, vous avez beau mettre Joël Aïvo en prison, vous avez beau mettre Reckya Madougou en prison, vous avez beau mettre tel ou tel en prison, vous n’allez pas pouvoir tuer les opinions. Les opinions sont comme des pointes. A force de leur taper dessus, elles s’enfoncent et s’enracinent. Dixit : Léon Gambetta le « commis voyageur ».
Même si on va taper sur le public demain, les opinions vont s’enfoncer et s’enraciner davantage. Et je veux vous dire quelque chose. Moi, je ne suis pas seul. Je ne sais pas quel est le régime en Afrique de l’Ouest ici qui va me prendre et qui va me garder pendant 72 heures. 24 heures, 48 heures, j’attends ce régime-là.
Mon Général, je voudrais clore ce petit entretien que nous avons sur le vif de cette brulante actualité pour vous demander d’adresser un message à l’endroit de ses populations au près de qui vous gagnez, de plus en plus en sympathie.
Lorsque vous avez reçu une mission, comme Moïse pour délivrer lesIsraélites d’Egypte des mains du Pharaon, vous direz simplement : Je suis le Bénin délivré de Patrice Talon et de son régime inique et tyrannique. Et comme l’a dit le Général Mathieu Kérékou, «La patrie ou la mort, nous vaincrons».