(La souveraineté du Bénin n’est pas compromise)
« Un Etat voyou, c’est un Etat qui ne respecte pas les lois, ni les décisions de justice. L’Etat lui-même qui viole les lois». Ces propos émanent du chef de l’Etat, le président Patrice Talon. Par ces mots, l’actuel locataire du palais de la Marina signifiait clairement que son pays, le Bénin, ne saurait donner caution à un tel manquement aux textes et lois qu’il s’est librement donnés, ou aux engagements internationaux auxquels il a volontairement souscrits. Seulement, des paroles du chef de l’Etat aux actes posés ici et là, le contraste surprend. Aussi, dans la dernière ordonnance de la CADHP, il n’est point question d’un quelconque bras de fer entre Talon et Ajavon, mais du droit.

Rien que par la posture adoptée par le gouvernement de la rupture dans l’affaire Sébastien Germain Ajavon contre l’Etat béninois, on a du mal à associer les propos susmentionnés au chef de l’Exécutif actuel. Dans cette affaire, plusieurs décisions ont été prises. Mais le gouvernement béninois n’a jamais daigné s’y soumettre. Des décisions prises, aussi bien par les juridictions nationales que par celles supposées au-delà d’elles. Ici, on fait référence à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples-CADHP.
Faut-il le rappeler, le Bénin a clairement inscrit dans sa constitution que les chartes et autres engagements internationaux ou sous régionaux auxquels le pays est partie ont la même force de loi que la constitution elle-même. Leur respect devenait donc ipso facto une obligation pour le Bénin au risque de tomber dans le cercle peu glorieux des « Etats voyous » qu’épinglait déjà Patrice Talon dans ses propos cités supra. Face aux décisions de la CADHP relatives au contentieux entre le Bénin et Sébastien Germain Ajavon, l’Etat béninois a manqué de discernement en opposant à certaines de ces décisions une fin de non-recevoir.
Le bon choix
Pour se donner bonne conscience, de férus et autres thuriféraires du pouvoir en place évoquent la souveraineté du Bénin qui serait au-dessus de tout. Bancal et inopérant argument s’il en est. Les décisions de la Cour africaine ne mettent nullement en cause la souveraineté du Bénin. Au contraire, c’est le non-respect de ces décisions qui exposent le pays à des éventuelles représailles forcément dommageables à tout le peuple, détenteur exclusif de la souveraineté.
Aujourd’hui, la juridiction d’Arusha exige du Bénin-et il en a entièrement le droit- de surseoir provisoirement à l’organisation des élections communales prévues pour le 17 mai prochain. D’aucuns accusent la CADHP de vouloir tordre le coup à une disposition constitutionnelle. D’abord, ceux-ci ignorent que la CADHP fait aussi partie intégrante de la constitution. Donc la hiérarchie est en l’espèce inapplicable. Il faut plutôt rechercher un arbitrage entre ces droits de même force.
Ensuite, si les élections présidentielles et législatives sont constitutionnalisées, il en va autrement des consultations communales et municipales. Et on a déjà vu au Bénin que ces élections ont été différées. D’ailleurs, les actuels élus locaux ont largement excédé leur mandat. Le ciel n’est pas pour autant tombé sur la terre. Or, la nouvelle ordonnance de la CADHP fait injonction à l’Etat béninois de surseoir provisoirement à la tenue le 17 mai prochain des élections locales aux fins de permettre à la juridiction continentale de connaitre davantage dans le fonds de l’affaire dans laquelle Sébastien Germain Ajavon estime que ses droits sont violés.
Le Bénin a toujours proclamé qu’il reste st demeure un Etat de droit. Dans un tel Etat, le citoyen a le droit d’user de tous les recours possibles que l’Etat met à sa disposition pour se faire justice. Ce n’est qu’à cet exercice, et à celui-là uniquement que se livre Sébastien Germain Ajavon. Tous les commentaires entendus ici et là relèvent, soit d’une méconnaissance des textes du Bénin, soit d’une mauvaise volonté manifeste visant à ternir l’image d’un citoyen qui, du reste, n’a que trop souffert des dysfonctionnements de la justice de son pays.
Or, lui, Sébastien Germain Ajavon, patriote envers et contre tout, et en sa qualité d’homme d’affaire international, sait qu’un État n’est crédible qu’en raison de la force qu’il accorde au respect de sa signature et donc au respect de ses engagements vis à vis de ses partenaires. De même qu’il mesure les conséquences qu’un Etat court à refuser d’exécuter plusieurs décisions de justices et notamment de la CADHP dont il est membre. Aussi, ne souhaite-t-il que son pays emprunte le droit chemin: faire le bon choix. Pas plus.
Vincent Mètonnou
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A la découverte de la Cour Africaine des Droits de L’homme et des Peuples.
des Droits de L’homme et des Peuples.
Bienvenue à la Cour Africaine.
La Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Cour) est une cour régionale créée par les pays africains afin d’assurer la protection des droits de l’homme et des peuples, des libertés et des devoirs en Afrique. Elle complète et renforce les fonctions de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples..
La Cour a été créée en vertu de l’article 1 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (le Protocole).
En septembre 1995, un projet de document sur la Cour africaine des droits de l’homme a été élaboré à l’issue d’une réunion d’experts organisée au Cap, en Afrique du Sud, par le Secrétariat de l’OUA, en collaboration avec la Commission africaine et la Commission internationale des Juristes.
Après une série de réunions, le projet de Protocole avait été adopté, en décembre 1997, par la Conférence des Ministres de la Justice/Procureurs généraux de l’OUA.
Le 10 juin 1998, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), réunie à Ouagadougou, Burkina Faso, a adopté le Protocole à la Charte africaine portant création de la Cour africaine. Le Protocole est entré en vigueur le 25 Janvier 2004, après avoir été ratifié par plus de 15 pays.
À ce jour, trente (30) États seulement ont ratifié le Protocole. Il s’agit de l’Algérie, du Bénin, du Burkina Faso, du Burundi, de la Côte d’Ivoire, des Comores, du Congo, du Gabon, de la Gambie, du Ghana, du Kenya, de la Libye, du Lesotho, du Mali, du Malawi, du Mozambique, de la Mauritanie, de Maurice, du Nigéria, du Niger, du Rwanda, de la République arabe sahraouie démocratique, de l’Afrique du Sud, du Sénégal, de la Tanzanie, du Tchad, du Togo, de la Tunisie, l’Ouganda et la République du Cameroun.
Le Protocole établissant la Cour africaine prévoit qu’une fois qu’un État a ratifié le Protocole, il doit aussi faire une déclaration spéciale acceptant la compétence de la Cour africaine pour permettre aux citoyens se saisir directement la Cour. À ce jour neuf pays seulement ont fait une telle déclaration. Ces pays sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, le Malawi, le Mali, la Tanzanie et la Tunisie.
La Cour a compétence pour connaitre de toutes les affaires et les différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte), du Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme ratifié par les Etats concernés.
La Cour se compose de onze juges, ressortissants des États membres de l’Union africaine. Il ressort des directives de l’UA relatives à la désignation et à l’élection des candidats au poste de juge que la Cour a le nombre suivant de juges de chaque région : Est (2), Nord (2), Centre (2), Ouest (3) et Sud (2). La Cour ne peut comprendre deux juges de la même nationalité.
Les premiers juges de la Cour ont été élus en Janvier 2006, à Khartoum, au Soudan. Ils ont prêté serment devant l’Assemblée des Chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine, le 2 Juillet 2006, à Banjul, en Gambie. Les juges de la Cour sont élus, après leur nomination par leurs Etats respectifs, à titre personnel parmi des juristes africains jouissant d’une très haute autorité morale, et d’une compétence et d’une expérience judiciaires ou académiques reconnues dans le domaine des droits de l’homme.
Les juges sont élus pour une période de six ou quatre ans et sont rééligibles une seule fois. Les juges de la Cour élisent parmi eux un président et un vice-président de la Cour pour un mandat de deux ans. Ils ne peuvent être réélus qu’une seule fois. Le Président de la Cour exerce ses fonctions à temps plein et réside au lieu du siège de la Cour, tandis que les dix autres (10) juges travaillent à temps partiel. Dans l’exercice de ses fonctions, le Président est assisté par un greffier qui exerce les fonctions de gestion administrative du Greffe de la Cour.
La Cour a officiellement débuté ses activités à Addis-Abeba, en Ethiopie en novembre 2006, mais en août 2007, elle s’est délocalisée vers son siège à Arusha, en République Unie de Tanzanie, où le Gouvernement de la République lui a fourni des locaux provisoires en attendant la construction d’un structure permanente. Entre 2006 et 2008, la Cour s’est occupée essentiellement des questions opérationnelles et administratives, y compris l’élaboration de la structure du Greffe de la Cour, la préparation de son budget et la rédaction de son Règlement intérieur provisoire. En 2008, lors de la neuvième session ordinaire de la Cour, les juges de la Cour ont provisoirement adopté ce Règlement intérieur provisoire en attendant la concertation avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, basée à Banjul, en la Gambie, en vue d’harmoniser les règlements intérieurs de ces deux institutions aux fins de réaliser l’objet des dispositions du Protocole portant création de la Cour. Ce Protocole exige que les deux institutions harmonisent leurs règlements intérieurs respectifs afin de parvenir à la complémentarité souhaitée entre la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Ce processus d’harmonisation est arrivé à son terme en avril 2010 et en Juin 2010, la Cour a adopté le Règlement intérieur définitif de la Cour.
En vertu du Protocole (Article 5) et du Règlement intérieur de la Cour (Article 33), la Cour peut recevoir des plaintes et /ou des requêtes qui lui sont soumises, soit par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples ou par les Etats parties au Protocole ou des organisations intergouvernementales africaines. Les organisations non gouvernementales jouissant du statut d’observateur auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et des individus ressortissant des États qui ont fait une déclaration acceptant la compétence de la Cour peuvent également saisir directement la Cour.
La Cour a rendu son premier jugement en 2009 suite à une requête en date du 11 août 2008 introduite par M. Michelot Yogogombaye contre la République du Sénégal.